***** Hors-série Bilan 2013 (II) : la grande interview de Kaoru Emilie Liam par Morice Risse *****
Ah la la ! Si y avait pas eu Emilie Liam, j'm'serais pendu ! Franchement, subir Titanic, zaf revolution et même X-Men : Rehabilitation un même mercredi, c'était plus qu'une corvée !
En rentrant a pince, je maudissais le tirage au sort avec l'autre critique de Flash Merveilles. Lui avait a priori eu plus de chance. A le salaud !
A les salauds, on était tombé bien bas ! A peine un ou deux films potables à se mettre sous la dent par semaine. Je songeais sérieusement à jetter l'éponge et a faire des offres aux candidats des municipales.
Je ruminais, lorsqu'au détours d'une ruelle, j'ai bousculé une personne. J'allais râler contre cet energumène ne respectant même pas mes divagations lorsque je l'ai reconnue. C'était Kaoru Emilie Liam qui, tout sourire, m'a dit : " Ben alors Morice, c'est une façon de rentrer dans les gens ! Remarquez-vous vous vengez sans doute puisque je n'ai pas encore répondu à l'offre d'interview que vous m'avez faîtes. et si on la faisait maintenant, au bistrot du coin, vous avez besoin d'un remontant".
Chez dédé, je regardais ma pinte pour tenter de pas trop la regarder. Franchement, j'oubliais presque la Dondon. Surtout que niveau cogit', ça volais quand même plus haut. La Kaoru, elle sait où elle va ! C'est bien ça que je reprochais à la Dondon qui me faisait tourner en bourrique !
MR – Mademoiselle Kaoru Emilie Liam, bonjour. La société que vous dirigez, la Kaoru Corporation, a été l’une des révélations 2013 de Gérard Merveille. Pouvez-vous revenir sur les conditions de sa fondation en févier 2013 puisque vous avez évoqué l’échec de l’expérience à Chicagole il y a quelques années ?
KEL - Tout d'abord, bonjour à vous et merci de m'avoir proposé cette interview dans le cadre du Hors Série spécial bilan 2013. J'en suis extrêmement flattée ainsi que du terme de "révélation" que vous utilisez.
Pour en revenir à votre question, j'ai en effet joué un rôle assez important dans une petite maison de production à Chicagole, il y a quelques années. Une amie l'avait fondée et comptait sur mon expérience en tant que metteur en scène pour l'aider à valider les projets et en tant que consultante pour certains films. Cependant, nous n'étions, elle et moi, pas très au courant des règles de ce milieu, comme celui de trouver des investisseurs. Pour faire simple, nous n'avons pas réussi à faire tenir la société qui a coulé au bout de seulement trois mois.
Alors, j'ai repris mon travail de réalisatrice, proposant mes projets à de nombreuses sociétés de productions, qui paraissaient au début très intéressées. Mais, au bout d'un certain temps, le succès en salle de mes films se faisant attendre, j'ai eu de plus en plus de mal à trouver des financements. Pour garder mon indépendance artistique et monter le projets qui me tenaient à coeur, il me fallait donc monter une boîte de production. Et cette fois ci la faire tenir! (rires)
MR – Les critiques ont d’abord mis en avant la qualité de vos affiches (La chienne qui chante, Coming Soon). C’est d’ailleurs vous qui avez attribué l’Award de la meilleure affiche lors des GM award 2012. L’on sent effectivement une grande importance pour cet aspect de la production d’un film. Comment concevez-vous une affiche ? Que doit-elle refléter du scénario ?
KEL - Il y a un service spécial à la Kaoru Corporation pour la conception des affiches mais j'aime prendre part à leur élaboration. C'est presque la partie la plus intéressante du projet.
L'affiche a pour moi une importance capitale puisqu'elle est la première porte qui permet de communiquer au public l'atmosphère du film. L'entrainer dans le monde que j'ai essayé de créer avec les acteurs et le réalisateur. La difficulté est de retranscrire tout ça en une image. Il faut donc que ce soit efficace et que cela accroche le public. C'est d'ailleurs le travail sur l'affiche, d'après une idée assez vague en général, qui va conditionner le montage voir même le tournage du film.
MR – Les affiches d’UDGround Café et de Number 18 semblent l’aboutissement d’une recherche sur le volume et les formes. L’on sent une volonté de mettre en relation la réalité et la part de rêve que possède chacun de vos scénarios. Est-ce l’objectif ?
KEL - C'est, en effet, l'un des objectifs car cela correspond, comme je l'ai dit précédemment, à illustrer l'ambiance de mes films. Dans la plupart, une large part est laissée à l'imagination du spectateur, qui regarde non seulement le film mais ce qu'il y a derrière. La relation entre la réalité et le rêve, ou plutôt le fantasme, est un thème récurrent dans mes films.
Vous citez UDGround Café. l'affiche est un mélange de ce qui est transmit par le film : Une vision en noir et blanc, une impression de flou, dû au mouvement. Je ne suis pas sûre que tout cela soit très clair... (rire)Mais c'est quelque chose qui est écrit entre les lignes, qu'il faut deviner car ce n'est pas dit explicitement.
MR – En une dizaine de films, la Kaoru Corporation a su se trouver une place dans le paysage de Gérard Merveille notamment grâce à la tonalité de vos synopsis qui accorde une importance tant à vos personnages – dont vous brossez un portrait – qu’à une ambiance souvent singulière, où le souci de réalisme n’empêche jamais une prise de risque. Est-ce ainsi que vous qualifieriez la marque de fabrique de la Kaoru Corporation ?
KEL - Une marque de fabrique je ne sais pas, car j'essaie toujours de mettre en place des projets dans différents styles.
Après, ce genre de scénario m'attire plus car ils représentent bien ma vision du cinéma. Ce qui m'importe ce n'est finalement pas une histoire très bien ficelée, avec plein de rebondissement. Mais, plutôt s'attacher à la personnalité des personnages, à une ambiance donnée, à un moment précis. Ce que j'aime en tant que spectateur, c'est des films qui s'attachent à retranscrire une certaine réalité, donner un portrait assez réaliste d'une personne ou d'une situation. je crois qu'on peut donner un certain réalisme au cinéma tout en traitant des situations un peu extraordinaires.
C'est le genre de projets que j'aime promouvoir alors, finalement, on peut peut être parler de marque de fabrique.
MR – Qu’est-ce qui vous a poussé à passer à la réalisation ? Est-ce une continuité avec votre expérience dans le théâtre comme comédienne puis comme metteur en scène ?
KEL - J'ai toujours eu un problème avec l'autorité. (rires) En fait, j'ai un caractère assez difficile puisque j'ai toujours une idée très précise de la direction vers laquelle vont aller les films. Même si j'ai parfois du mal à l'expliquer.
C'était le même problème que j'avais quand j'étais comédienne puisque j'avais une vision très personnelle de la pièce et que j'avais du mal à comprendre celle du metteur en scène.
C'est cette raison qui m'avait fait devenir metteur en scène. Et, c'est cette même raison qui m'a fait passer derrière la caméra. J'ai besoin de superviser chaque seconde du projet et ça passe aussi par la réalisation car c'est pour moi ce qui donne au projet son orientation. Après, j'ai encore beaucoup de choses à apprendre et c'est pour cela que je confie un certain nombre de projets à des réalisateurs dont la vision du film est la même que moi.
MR – À ce jour, vous avez réalisé six films. Le premier, Cybelle, revisitait la prise de la Bastille par le biais du fantastique. Comment vous est venue cette idée ?
KEL - Pour le coup, pour revenir à ce que je disais tout à l'heure, l'important n'était pas ici de raconter fidèlement, sur le plan historique, le déroulement de la Révolution Française. Ma nièce était de passage à Paris et elle étudiait justement la Révolution.
J'ai eu l'idée de parler de ce sujet, maintes fois étudiées, en prenant, en quelque sorte, le point de vue des gens de l'époque,pétris de superstitions et en jouer pour expliquer d'une autre manière les causes de la prise de la Bastille.
L'idée du fantastique avait donc déjà germé depuis un certain temps et l'histoire a émergé quand j'ai visité les catacombes avec ma nièce. Ce lieu est chargé d'histoire et d'une certaine théâtralité que je trouvait très intéressante.
MR – Ce film marquait également votre première collaboration avec Shannon Noyes. Qu’est-ce qui vous a poussé à signer un contrat d’exclusivité avec cette actrice ?
KEL - Avant même de savoir que Shannon était actrice je l'avais vue jouer Bérénice de Racine dans un petit théâtre de GerardMerveille. Elle a un talent rare, celui de vivre son personnage et de lui apporter une profondeur étrange et un peu ambigüe. Elle a de plus un charisme incroyable.
J'ai alors contacté son agent qui m'a mise directement en relation avec elle. J'ai pu lui exposer le projet que j'avais pour elle.
Elle n'avait pas tourné depuis un certain temps et n'était pas pressée de retourner sur un plateau de tournage mais elle a été séduite par le rôle que je lui est proposé. Puis, par ma façon d'exposer les histoires, justement assez proche de ce qu'on peut faire au théâtre : un certain sens de la mise en scène.
Le contrat d'exclusivité s'est fait assez facilement. J'avais plusieurs projets à lui proposer et elle voulait se concentrer sur ces rôles tout en continuant de jouer au théâtre.
MR On retrouve Shannon Noyes dans le premier rôle féminin de Number 18 où elle campe Daphné, une artiste peintre. Number 18 est un condensé de vos influences et de vos thèmes de prédilection (Paris dont vous êtes « une fidèle amoureuse », un moment où la vie d’un individu bascule, la place de l’art, etc.).
KEL - La majorité des films que j'ai réalisés sont des films que j'ai aussi scénarisés (ou co-scénarisés). Alors, forcément, je n'écris que sur ce que je connais.
Number 18 est un film qui me tenais à coeur car j'avais l'idée du personnage depuis un certain temps déjà. Un rôle parfait pour Shannon, d'ailleurs, qui a réussi à faire ressortir toutes ses ambiguïtés.
Ce film est en effet un condensé de mes influences : l'histoire d'une femme un peu perdue dans la vie, qui ne sais pas pourquoi, et qui se laisse embarquer sur une histoire à cause d'un fantasme : celui d'une vie plus inspirée. (rires) comme toujours, je ne sais pas si c'est très clair. (rires) L'art et Paris sont pour moi deux sujets imbriqués et cette histoire, ce personnages, n'auraient pas pu exister dans un autre contexte.
MR – Le plus grand succès à ce jour est À côté des chrysanthèmes (7,5 millions d’entrées) qui s’inscrit dans le concours Halloween. Vous avez également reçu le prix de la meilleure critique presse. Quel était l’objectif assigné à À côté des chrysanthèmes qui représentait la Kaoru pour ce concours ?
KEL - L'objectif de ce film était de proposer un projet aux antipodes des films qui sortent pour cette période. Un film de fantômes, oui, mais ce n'est finalement pas le plus important. Je voulais aborder des thèmes comme la solitude, le pardon, des thèmes qui ne se retrouvent que très rarement dans les films d'halloween. Comment un homme qui a tout perdu, qui se retrouve entre deux vies, peut recommencer à vivre, en lâchant prise avec sa vie d'avant.
Le but de ce film était de présenter une histoire réaliste, derrière l'aspect fantastique, et finalement dans laquelle un certain nombre de personnes pourraient se retrouver.
MR – En 2013, la Kaoru Corporation se classe à la 17e place du box office pour 10 films produits (moyenne de 3,9 en ce qui concerne les critiques). Quel bilan faîtes-vous de cette première année de présence à Gérard Merveille ?
KEL - Un bilan est toujours difficile à faire. Du point de vue comptable, ce n'est pas mal. En dix films produits, tous ont été rentabilisés ce qui était de ce point de vue là le principal objectif. Cependant, n'étant pas très à l'aise avec la gestion comptable d'une société de production, je pense que cela aurait pu être un peu mieux.
Pour ce qui est de l'accueil de nos films par les critiques, là aussi le bilan est plutôt positif puisque dans l'ensemble nos projets ont été bien accueillis. Bien sûr, nous espérons mieux pour l'année prochaine car l'avis des critiques est tout aussi important pour nous que l'avis des spectateurs.
Ce que nous retiendrons donc c'est que l'accueil pour nos projets était assez bon ce qui nous motive tous pour continuer dans la même veine l'année prochaine.
MR – Espérez-vous recevoir des Awards lors des GM Awards 2013 ? Notamment celui de « meilleur révélation » ?
KEL - Nous réfléchissons encore, à la KC, sur l'intérêt de présenter des films pour la cérémonie. En plus de l'inquiétude de se mesurer dans une compétition à la majorité des grands producteurs de GérardMerveille, nous pensons que l'avis le plus important sur nos films est celui, commenté et expliqué, des critiques.
Après, une reconnaissance comme le GM Award de "meilleure révélation" nous toucherait beaucoup, car cela montrerait que notre travail n'a pas laissé indifférents les autres producteurs. Être reconnu par ses pairs est toujours très plaisant mais d'autres maisons de productions mériteraient ce même honneur.
MR – Quel regard portez vous sur le paysage cinématographique de Gérard Merveille ?
KEL - GérardMerveille est une ville qui, historiquement, a toujours privilégié la qualité et la diversité des projets présentés en salle. C'est une ville que j'apprécie car elle regroupe un certains nombre de talents, que ce soit des producteurs confirmés, ou des petites sociétés aux projets intéressants.
Travailler dans cette ville est un vrai plaisir car la qualité des films sortant chaque semaine pousse à se dépasser.
MR – Après When Christmas used to be (sortie le 11 janvier 2014), Back in USSRest prévue pour le 1er février 2014. Pouvez-vous nous présentez ce projet de comédie musicale de Joan Bremner?
KEL - Back in USSR est une petite comédie légère sur Paris (encore) et agrémentée de nombreuses chansons des années 60 - 70. L'idée de ce film était de faire passer sur un ton léger des interrogations sur la nostalgie, le désir de ne pas vieillir, et présenter un couple atypique. Et puis, c'était le moyen, comme dans beaucoup de films produits chez nous, de faire découvrir Paris autrement.
MR – Quels sont les autres projets pour 2014 de la Kaoru Corporation, notamment en ce qui vous concerne, Kaoru Emilie Liam, en tant que réalisatrice ?
KEL - Du point de vue des films, la reprise cette année se fera en douceur. Peu de projets sont en chantier car nous tenons à prendre notre temps pour bien les peaufiner. Nous reviendrons un peu vers le polar et nous préparons une comédie dramatique qui devrait sortir au printemps. [
Pour la politique de la société cette année, nous chercherons donc à privilégier la qualité plutôt que la quantité.
Nous aimerions bien aussi que la Kaoru Corporation ne soit plus "isolée" dans son coin. Rien n'est décidé concrètement mais des collaborations avec d'autres producteurs nous intéresseraient beaucoup. J'admire personnellement le travail de plusieurs producteurs, encore faut il que nous pensions à des projets qui pourraient les intéresser.
De mon côté, je ne laisserais pas mon travail de réalisatrice, pour la KC, ou bien pour d'autres producteurs, mais j'aimerais me concentrer sur la production, être plus impliquée dans tous les projets.
MR – Merci de nous avoir accordé votre temps pour cette interview, une discussion qui fut très agréable me concernant. Que peut-on vous souhaitez pour cette année 2014 ?
KEL - Ce que l'on peut me souhaiter? (rires) Bonne question! J'ai déjà été comblée pour cette année.
Ce que j'aimerais, pour l'année 2014 et pour la suite, c'est de garder toujours cette envie de porter des projets novateurs, et qui touchent le public. Perdre ma passion pour ce métier serait assez difficile à vivre pour moi. Je n'espère que ça n'arrivera pas. (rires)