Modérateur: Maitre de Jeu
Un jour, Ralphaez a écrit :C'est la barbe, ça vieillit, ma copine a ce problème.
Assise sur un banc, le long d'une des artères principales de Londres, Cécilia Hourthlow portait sa cigarette à sa bouche. Elle en tira une bouffée et recracha la fumée qui s'était engouffrée dans ses poumons. La multitude de gens qui défilaient sous ses yeux ne paraissaient pas la remarquer. Son visage était comme flouté, son corps inexistant. Seule perdurait à travers les airs la fumée de sa cigarette.
De l'autre côté de Picadilly Circus, John Trauen observait la jeune femme. Lui seul prêtait attention au moindre de ses faits et gestes. Le petit filet de fumée grise contrastait avec ce ciel bleu éclatant d'un après midi du mois de juin.
Une légère vibration se répandit à travers tout le corps de Cécilia, émanant de la poche de son jeans. Elle se leva d'un bond, laissa tomber son mégot sur le sol, l'écrasa rapidement d'un coup de talon et quitta les lieux avec autant de discrétion que le mince filet de fumée qui s'échappait de l'extrémité de la cigarette, encore rougeoyante.
L'homme se redressa violemment quand la jeune femme disparut de son champ de vision. Il traversa le carrefour en courant, acclamé par les conducteurs qui l'empruntaient à cet instant, son imperméable noir volant au vent. Il s'approcha du banc à pas lents, ne trouva que le mégot, unique reliquat de la présence de Cécilia. Il donna un coup de pied contre le pied métallique du banc et s'assit en soupirant. Il voulut jeter un coup d'oeil à sa vieille montre à gousset, couverte de poussière. Il souffla dessus et un léger sourire s'esquissa sur ses lèvres.
Cécilia rangea un modèle identique de la montre dans son sac à main et passa la main dans ses cheveux. L'appréhension la gagnait peu à peu, comme avant un saut dans le grand bassin. Les portes en verre du bâtiment l'intimidaient et elle fut surprise de penser à abandonner ses projets, tout ce qu'elle avait construit jusque ici. Mais elle n'avait plus le choix. Il la surveillait et veillerait à l'application du moindre détail contenu dans l'épais dossier qu'il lui avait confié. Elle extirpa le paquet de clopes de son sac, et s'offrit une nouvelle dose de nicotine avant de pénétrer dans le bâtiment, laissant une auréole de fumée grise flotter autour d'elle.
John força la porte qui donnait vers la porte extérieure à l'aide d'une épingle à cheveux. Il se dirigea à travers les montagnes de cartons empilés. Il retira la grille qui menait vers les conduits d'aération et se glissa à l'intérieur. Arrivé au dessus du hall, il tira de la doublure de sa veste une version miniature d'un créateur de fumée, tel que l'on pouvait en trouver un sur un plateau de cinéma. Il l'installa au dessus de la bouche d'aération et, d'un souffle soigneusement maitrisé, l'enclencha. Une fumée opaque, plus blanche que celle d'une cigarette, emplit tout le hall, privant tous les clients de leur vue.
Cécilia tentait de contrôler sa respiration. La brume épaisse occultait la majorité de ses sens. Pourtant, elle extirpa l'arme de métal froid de son sac et serra avec toute sa force le manche.
Trois pas vers le comptoir. Son doigt se posa sur la gâchette. Elle avança son bras. Le canon rencontra quelque chose de dur. Suite au glapissement qui suivit, elle sut qu'elle avait trouvé sa cible.
Tout allait enfin pouvoir s'enclencher. Et tous deux, au même instant, soufflèrent leur soulagement.
Un jour, Ralphaez a écrit :C'est la barbe, ça vieillit, ma copine a ce problème.
Octobre 1985. Il fêtait aujourd'hui son deuxième anniversaire de mariage. Il quittait la bijouterie, le sourire aux lèvres, fier de sa toute nouvelle acquisition. Ce soir, il offrirait un magnifique collier de perles à sa femme, qu'il avait payé une fortune, il fallait bien l'avouer. De véritables perles, légèrement translucides, parfaitement rondes. L'euphorie le gagnait, lentement mais sûrement, si forte que l'envie d'esquisser un pas de danse sur le trottoir et de siffloter un air gai le prenait soudainement. Il se retint cependant, par timidité. Il n'avait pas l'habitude d'afficher son bonheur aux autres.
Lorsqu'il rentra chez lui, il se dirigea sans bruit vers sa chambre conjugale et y trouva sa femme endormie. Le scénario idéal. Il allait attendre son réveil, et lorsqu'elle ouvrirait les yeux, il lui présenterait l'écrin de velours. Il s'agenouilla près d'elle et durant quelques minutes il se contenta de la regarder inspirer puis expirer à intervalles réguliers. Les minutes s'écoulaient plus longues les unes que les autres sans que la jeune femme ne s'extirpe de son sommeil. L'homme se releva donc, fit les cent pas dans la pièce. Alors qu'il commençait à s'impatienter, son regard se posa sur un morceau de tissus, étalé sur le plancher. Il se baissa rapidement, faisant grincer les vieilles lattes de bois. Une cravate aux motifs sobres. Ne lui appartenant pas. Il ne chercha pas à comprendre. Son sang ne fit qu'un tour.
Abandonnant la cravate au sol, il se saisit de l'écrin de velours, qu'il jeta à terre, à son tour. Il ne garda en main que la précieuse parure. Le bruit des perles qui s'entrechoquaient été grisant. A pas lents, savourant toujours ce petit tintement si particulier, il s'approcha de son épouse. Délicatement il lui passa le collier autour du cou, en faisant plusieurs tours, très serrés autour de sa gorge, mais laissant suffisamment d'espace pour qu'elle ne se rende compte de rien. Gardant l'extrémité du collier dans son poing, il déposa un dernier baiser sur la tempe de la femme avant de tirer. Les perles s'entremêlaient, leur grésillement en devenait strident. Et plus le bruit s'amplifiait, plus il tirait fort. Le rythme lent de la respiration finit par s'estomper jusqu'à ce qu'un dernier soupir retentisse dans la pièce. L'homme prit de panique devant son geste irréparable, abandonna tout sur place. A la lueur du clair de lune baignant la pièce à travers les volets mal fermés, les perles éclatantes se distinguaient très clairement sur le cou bleu de la défunte.
L'inspectrice de la police se pencha sur le corps. Octobre 2010. 25 ans que le même crime se perdurait, chaque année, à la même date. La victime, étranglée par un collier de perles, a été liée pendant un an à un homme dont personne n'arrive à connaître la véritable identité. Homme qui disparait toujours, suite à son crime. La jeune femme sera enterrée demain. En soupirant, l'inspectrice quitta la morgue, désemparée par le peu d'indices qu'elle possédait. Bientôt, le commissaire prendrait des mesures radicales. Si personne ne résolvait cette affaire, des employés allaient devoir faire leurs cartons. En fermant la porte de ce lieu lugubre, elle prit une grande décision, malgré toute la peur qu'elle engendrait.
Penchée sur la tombe de la défunte, Marie Juyers espérait que le meurtrier se présenterait à elle. Elle devait être la prochaine victime sur la liste. Elle le voulait. Cette envie en était presque viscérale. Le luxe l'avait toujours attirée. Cette homme devait être fortuné pour payer à ses victimes un collier de véritables perles. L'attrait du danger et de l'argent conduit à des choses terribles. A chaque moment, elle tentait de se convaincre que c'était pour préserver d'autres femmes.
Perdue dans ses propres pensées, elle sursauta quand une main se posa sur son épaule. Elle se retourna, paniquée. Face à elle, un homme lui souriait. Une petite perle, discrète toutefois, pendait autour de son cou.
Un jour, Ralphaez a écrit :C'est la barbe, ça vieillit, ma copine a ce problème.
Le soleil brillait de milles feux ce jour-là. Pourtant, le contexte était on ne peut plus lugubre. Une légère brise soulevait les jupes de ces dames, emportaient le chapeau de ces hommes. Certains parvenaient à le rattraper, d'autres le laissaient voler vers le ciel, insoucieux d'un simple objet. Les brins d'herbes, d'un vert éclatant, s'agitaient au rythme des bourrasques. Et au milieu de ce tableau coloré d'un jour d'été, une tâche sombre, noire.
La foule fixait un même point, leurs yeux voilés par le chagrin. Des larmes coulaient, des sanglots coupaient le silence morbide. Les hommes tentaient de soutenir les femmes, les proches se tamponnaient les yeux à l'aide d'un mouchoir et les simples inconnus, ayant admiré l'oeuvre du défunt, se recueillaient en silence, veillant à ne pas troubler le deuil de la famille.
Le prêtre déclamait des paroles mornes que l'on avait entendues des milliers de fois. Des paroles sans conviction, qui ne reflétaient en aucun cas la vie de celui qui avait quitté cette terre. Et, devant la tombe en marbre, une jeune femme (Alice Andrews), à genoux, dont les cheveux blonds tentaient de s'extirper de leur carcan de soie noir, pleurait à chaudes larmes, un bouquet de violettes à la main.
Bryan (Chris Kubota), tentait de se contrôler. Autour de lui, une ou deux bouteilles vides, qui ne contenait pas que de l'eau. Dans cinq minutes, il serait sur scène. Véritable légende vivante du rock en ces années là, il était parfois plus connu pour son addiction à la boisson que pour ses titres, pourtant joués partout sur la planète. D'un geste tremblant, il attrapa sa guitare et commença à gratter quelques accords. Au dehors, les cris stridents de fans assoiffés de musique retentissaient. Pris d'un excès de panique, il déboucha un nouvelle bouteille.
Les bouquets étaient disposés par dizaines sur la tombe désormais encombrée de Bryan. Anna n'arrivait pas à se séparer du bouquet de violettes, les premières fleurs qu'ils lui avaient offertes. Elles me rappellent tes yeux, chérie lui disait-il à chaque fois qu'il arrivait avec des compositions plus imposantes les unes que les autres. Les pleurs discrets de la jeune femme se transformèrent en sanglots hystériques à cette simple pensée.
Anna arriva dans la loge et remarqua que son compagnon n'était toujours pas monté sur scène. Plus d'une heure de retard désormais. D'abord affolée de le voir allongé sur la canapé, se contentant de porter une énième bouteille à sa bouche, elle se ressaisit vite et s'assit sur l'accoudoir. Elle le secoua rapidement, et il se releva, sans lui jeter un regard noir. Il épousseta rapidement ses affaires, attrapa une violette dans un vase et lui tendit avec un sourire. Sa guitare en main, il quitta la pièce. Au loin, les hurlements s'amplifièrent. La star était désormais prête à faire le show.
La culpabilité envahissait doucement Anna alors que les proches aux alentours tentaient de la calmer, en vain. Elle savait pertinemment qu'il buvait trop, beaucoup trop. Elle se revoyait compter les bouteilles les unes après les autres, à la fois effarée du nombre et amusée. Il devait être dans un tel état ! Les cris de la salle retentissaient dans ses oreilles. Il n'y avait pas eu que du bonheur, non.
Désespérée, Anna abandonna le bouquet de violettes sur la tombe, et tituba jusqu'à ce qu'une âme serviable tente de la relever. Plonger dans l'oubli ne sera pas évident.
Elles me rappellent tes yeux, chérie
Un jour, Ralphaez a écrit :C'est la barbe, ça vieillit, ma copine a ce problème.
Warwickshire, XVIIe siècle.
Le cri d'un corbeau résonnait à travers les allées désertes du cimetière. Le soleil couchant auréolait les tombes d'un éclat doré éphémère. Dans quelques minutes la nuit tomberait, enfouissant les défunts dans un écrin de noirceur. Les ténèbres entoureraient les pierres tombales, décourageant les hommes les plus courageux de s'aventurer au delà des grilles de fer forgé. Le gardien de nuit (Amaury Jodorowsky) effectuait sa ronde habituelle, désireux de s'enfermer à double tour dans la petite bicoque qu'il habitait à l'entrée. C'est donc sans grand intérêt qu'il passa devant la tombe d'un homme fraîchement enterré, dont on avait dit dans les journaux qu'il était connu à Londres. Un dramaturge, dont les pièces connaissaient un succès à travers toute l'Europe. Mais pour cet homme, illettré, juste bon à garder les morts, que signifiait le théâtre ? Rien. Juste un élément à rajouter à la liste des choses auxquelles il n'aurait jamais accès.
Sa petite lanterne à la main, il verrouilla la porte du cimetière avec une grosse chaîne et un cadenas de fortune. Le commun des mortels était effrayé par l'aura qui émanait de ses lieux, plus particulièrement que la nuit. Will, puisque c'est ainsi qu'il s'appelait, ne croyait pas ses foutaises. Par contre, il croyait avec force que les villageois pouvaient lui retirer son poste. Alors, il exécutait leurs volontés. Aussi stupides qu'elles pouvaient être. La nuit avait prit place, dévoilant un quartier de lune et quelques étoiles parsemées sur le ciel sombre. Les maisons aux alentours s'éteignaient les unes après les autres. Il était temps pour Will de quitter les lieux.
Tapie dans l'obscurité, la jeune fille guettait le moment où le gardien quitterait les lieux. La faible lumière finit par s'éteindre totalement et c'est avec un grand sourire sur les lèvres que Lucy (Amanda Jagger) se releva de derrière le buisson épineux où elle était cachée. Désormais enfermée à l'intérieur du cimetière, ce n'était pas le moment d'être effrayée. Elle marcha à pas lents, puis se mit à courir. Elle avait beau ne pas croire aux légendes sur les âmes des morts, la peur la gagnait petit à petit. Elle s'arrêta enfin devant une tombe moins abimée que les autres, plus récente aussi. Elle savait ce qu'elle venait y chercher. Un léger voile de poussière recouvrait le nom de la personne qui gisait sous ses pieds. Elle passa son doigt dessus et découvrit successivement le nom de William Shakespeare, deux dates, dont la dernière était proche de celle de ce jour, puis une phrase. Elle ne prit le temps de vérifier que le nom.
Ne possédant pas de pelle, elle creusa à l'aide de ses doigts, touchant au bout de longues minutes le cercueil fraîchement enfoui. A l'aide d'un canif qu'elle avait gardé dans sa poche, elle ouvrit de force le coffre de bois, découvrant le corps en décomposition. Prise d'une soudaine envie de vomir, elle souleva du bout des doigts les ossements, à la recherche du petit objet. Elle le trouva finalement, autour du coup de l'homme. Elle l'arracha, referma à la va-vite le cercueil et entreprit de recouvrir de terre la petite parcelle. Le petit médaillon en main, elle traversa le cimetière à grandes enjambées, le coeur battant. Arrivée devant l'immense porte en fer forgé, les battements redoublèrent de force. Un cri strident brisa la quiétude de la nuit.
Réveillé par le bruit, Will sursauta dans son lit bancal, manquant de réveiller sa femme endormie. Pris de panique, il attrapa sa fidèle lanterne, enfila ses pantoufles et sa robe de chambre puis quitta sa maison à toute allure. Son trousseau de clés en main, il ouvrit fébrilement la porte du cimetière et suivit les traces de pas. Il marcha seul, dans la nuit, seulement suivi par le cri du corbeau. Il stoppa quand les traces s'effacèrent pour laisser place à quelques traces rouges. Avec précaution, il continua sa route. Les traces étaient de plus en plus grosses. Une véritable mare se forma à ses pieds quand il s'arrêta devant la tombe du dramaturge. Il retint un cri d'effroi quand il vit le cercueil ouvert un grand. Mais il ne put s'empêcher de hurler quand il vit que le cadavre retenait entre ses bras le corps désormais bleu d'une jeune fille, les yeux exorbités, un filet de sang coulant de sa bouche.
La phrase gravée sur la pierre tombale brillait d'un liquide ambré. "Curst be he that moves my bones"*. Will retint son souffle. Les âmes ne tarderont pas à se propager dans tout le village, désormais.
Un jour, Ralphaez a écrit :C'est la barbe, ça vieillit, ma copine a ce problème.
Julia (Alice Andrews) claqua la porte de son appartement et dévala les escaliers. Ses cheveux s’échappaient de l’élastique dans lequel elle les avait attachés, une mèche se collant contre la bouche. D’un geste de main, elle replaça sa chevelure derrière son oreille et sortit la clé du cadenas de son sac. Elle récupéra son vieux vélo et s’engagea sur la route, sans prendre plus d’attention aux voitures qui arrivaient. Il faisait beau aujourd’hui. Le vent fouettait son visage et un semblant d’adrénaline gagnait son corps tandis que son vélo prenait de la vitesse. La route descendait en pente douce et c’est avec un sourire éclatant qu’elle se laissa glisser sur le goudron.
31 août 2001. La pluie tombait par litres. La jeune femme traversait Central Park en courant pour retourner chez elle. Ses cheveux dégoulinaient le long de son dos, la glaçant jusqu’aux os. Elle n’avait ni parapluie ni capuche, si bien qu’elle était à tordre. Plus elle avançait, plus le froid était insupportable, malgré la période estivale. Les larmes commencèrent à perler à ses yeux, et c’est par dépit qu’elle s’assit sur un banc, au couvert des arbres, tentant de s’éloigner un peu de la pluie battante. Les feuilles n’assuraient pas un toit étanche mais filtraient suffisamment les gouttes d’eau pour permettre à Julia de patienter en attendant que les nuages se dispersent. Elle soupira et fixa les branches de l’arbre. On commençait à entrapercevoir quelques rayons de soleil. L’orage arrivait à son terme. Une branche craqua juste derrière Julia. Elle sursauta et se retourna, prise de panique. Un homme (Chris Avocado) lui adressa un sourire d’excuse avant de s’assoir à côté d’elle. Ils ne dirent rien pendant quelques minutes. Lui aussi était trempé. Puis, il l’invita à aller prendre un café dans le Coffee Shop à la sortie du parc.
Arrivée devant la fac, elle rangea son vélo entre deux autres et l’attacha solidement à la barre. Nous étions à la mi-septembre. Les cours avaient repris depuis très peu de temps et elle entamait sa deuxième année d’étude de l’art. En parcourant les couloirs du bâtiment, elle adressait quelques signes de main, claquait quelques bises sur certaines joues. Elle pénétra dans l’amphithéâtre avec dix minutes de retard et dut s’installer dans le fond de la salle, à même le sol. Cela ne la gênait pas. Elle sortit son carnet et un crayon de papier et commença à esquisser le tableau exposé à côté du professeur. Un Magritte. Célébrissime. Pourtant, il lui faisait toujours ce petit effet caractéristique des plus grands. D’un geste vif, elle dessina les contours d’un nuage.
2 septembre 2001. Paul, puisque c’est ainsi qu’il s’appelait, attrapa sa main et la guida à travers les escaliers de l’immense immeuble où il habitait. Arrivé devant une porte, il glissa la clé à l’intérieur de la serrure et ne lui laissa pas le temps de détailler les lieux. Euphorique, il l’emmena jusqu’à la fenêtre, qu’ils escaladèrent pour grimper un nouvel escalier. Lorsqu’ils arrivèrent à la dernière marche, il passa derrière elle et posa ses mains contre ses yeux. Il la fit avancer de quelques pas puis la laissa ouvrir les yeux. C’était simpliste, mais elle tomba amoureuse du toit de l’immeuble, presque autant qu’elle l’était de son propriétaire. Deux chaises de jardin, un pot de fleurs, un parasol et une vieille guitare acoustique. Elle lui adressa un sourire éclatant et alla s’assoir dans un des fauteuils. Il agrippa l’instrument et commença à gratter quelques accords.
Le soleil baissait irrémédiablement dans le ciel. Paul chantonnait doucement sur la mélodie qu’il jouait depuis plusieurs heures. Assise sur le bord du toit, Julia se balançait au rythme des notes, douces, belles. Le son finit par s’évanouir dans les airs, la dernière note en suspens. Il vint s’assoir à côté d’elle. Elle prit sa main. Le silence n’était troublé que par les voitures, une dizaine d’étages plus bas. Le ciel avait prit cette teinte orangée qu’on ne lui connaissait que les soirs d’été. Elle posa sa tête contre son épaule, il déposa un léger baiser dans ses cheveux. Ils étaient bien.
Paul travaillait en ce jour de septembre. Assis à son bureau, il ne pouvait s’empêcher de laisser ses yeux divaguer à travers la grande baie vitrée. Le ciel reflétait son bonheur. Quoi de plus beau qu’un jour de soleil quand on est amoureux. Il n’en revenait pas à quelle vitesse sa vie avait basculée, simplement parce qu’il avait croisé cette fille au détour d’un orage. L’envie de sauter de joie, d’hurler son bonheur, de chanter des heures et des heures rien que pour la divertir était irrépressible. Deux petits points noirs se distinguèrent sur l’étendue bleue clair. Il n’y prêta pas attention et se concentra sur ses papiers. Il fut incapable de les lire pendant plus de cinq minutes. Il se leva pour attraper son téléphone et ainsi appeler Julia. Il jeta un coup d’œil par la fenêtre. Il lâcha son téléphone. Il voulut courir mais était tétanisé. Il les avait vu arriver et n’avait rien fait. Il pleura en silence, sachant qu’il ne sortirait pas vivant de cet enfer.
On avait tout entendu dans tout New-York. Julia était sortie de son cours en courant, effrayée par le bruit que cela avait causé. Lorsque le prof leur avait énoncé leur futur projet, on avait entendu le béton se briser, les cris, les pleurs. Il avait alors griffonné quelques mots sur le tableau noir avant de courir à l’extérieur, se recueillir devant les décombres avec tant d’autres. Julia paniquait. Elle savait qu’il travaillait là-bas. Elle se mit à courir à travers les rues, manquant de se faire renverses à plusieurs reprises. « … œuvre de terroristes ». Ses jambes la portaient difficilement mais elle ne ralentissait pas la cadence. « Les tours jumelles à terre, World Trade Center attaqué ». Son cœur battait trop vite. « Beaucoup de morts ». Les larmes ruisselaient le long de ses joues.
Quelques heures plus tard, elle était assise sur le bord du toit, comme il y a 9 jours. Dans sa main, un petit mot à son attention. Dans l’autre, son carnet de cours. Ils étaient parsemés de tâches d’eau salée, trace de ses pleurs incessants. Il avait griffonné sur un coin de papier « Je suis au travail, je ne rentrerais pas tard. Je t’aime »
Elle fixa le petit papier dans son carnet où elle-même avait griffonné, suite à son cours, « Dessinez le ciel tel que vous le voyez ». Elle reprit le croquis qu’elle avait effectué en cours, y ajoutant un gros point noir. Et à l’aide d’une petite aiguille, elle ouvrit la veine de son poignet et laissa le sang ruisseler contre le bleu éclatant de ce dernier jour d’été.
Un jour, Ralphaez a écrit :C'est la barbe, ça vieillit, ma copine a ce problème.
Acte I. Will.
Marcher. Chaque homme ou femme pratique cette activité au fil des heures qui passent, inlassables. Certains la pratiquent sur de banals trottoirs parisiens, d’autres en forêt, et quelques cas particuliers au beau milieu d’étendues vertes et interminables. C’était mon cas, en cette fin de journée. J’ignorais où je posais la plante de mes pieds nus. La sensation des brins d’herbes s’aplatissant à mon passage était grisante et me procurais un léger sentiment de supériorité que j’aurais du refouler si j’avais eu un minimum de considération pour ce qui m’entourait. Mais je n’en avais aucune. Tout en moi respirait le déni de l’autre.
Je voulais conquérir ce monde, prouver enfin aux huit milliards de personnes domiciliées sur cette planète que j’étais capable de quelque chose. Je refoulais ma puissance au plus profond de moi. Il me suffirait d’éclater, le moment venu, et là, vous ne saurez plus quoi penser de moi. La majorité d’entre vous m’adulera. J’affronterai certains détracteurs mais par de multiples arguments recherchés, je gagnerais ma bataille. Pourquoi est-ce que je me bats ? Je ne le sais pas. Et ne le saurais probablement jamais. Mais toute vie humaine doit avoir un but. Non seulement, je le vise, mais je l’atteins. L’ambition n’est qu’une simple formalité. Son accomplissement est un rêve que peu d’entre nous parviennent à réaliser. Mais je suis unique, la perfection incarnée. Rien ne pourra me résister. Je le jure sur ce navet qui dépasse du sol. Mais l’heure n’est pas à cela. Mes pas sont mécaniques. Le soleil rasant l’horizon est une si belle métaphore de cet avenir inaccessible qui vous fait face, loin mais pourtant si proche.
Acte II. Lise.
Je cours. Je m’arrête. Je fais demi-tour. Je repars de plus belle. Le doute est là et pourtant je continue d’avancer. Qu’est-ce que je fais ici ? Pourquoi je reste ? Pourquoi je pars ? Tant de questions auxquelles je ne peux pas fournir de réponse. Et seule, perdue dans cet océan de verdure, j’aurais beau hurler, crier, personne ne viendra m’apporter la connaissance. Après tout, on ne vit qu’une fois. Mais d’où tire-t-on cette conclusion ? Quelqu’un est-il déjà revenu d’entre les morts conter les exploits qu’il réalise de l’autre côté ? Pourquoi toujours cette hésitation qui m’habite ? Agis Lise. Voilà ce que ma mère m’a répété pendant des années alors que je fixais les choses, me contentant de remuer la problématique dans tous les sens. Je me perds dans ses propres réflexions. Le choix est une étape que je redoute plus que tout. Le peu de confiance qui m’habitait à la naissance m’a quitté au fil des âges. Laissez-moi être libre. Laissez-moi accomplir ma volonté. Je ne veux plus craindre le regard des autres, simplement vivre comme je l’entends, que ce soit blonde, brune, maigre ou ronde. J’ai besoin de réponses. C’est insatiable comme désir.
Alors je crie. Le cri, d’abord suraigu se mue peu à peu en chant mélodieux, mélancolique. Même les sons que je produis suivent le rythme de mon cœur. J’entends du bruit, à la fois éloigné et si près de moi. Je devrais avoir peur, mais une fois n’est pas coutume, il m’intrigue, ce son. Je crie encore. On me répond. Alors j’avance. Je cours, je trébuche, me relève et accélère la cadence. L’inconnu attire l’esprit humain tel un aimant, impossible à stopper tant que les deux moitiés ne s’entrechoquent pas avec perte et fracas.
Acte III. Navet.
Il l’observe. Elle le rencontre enfin. Ils sont à la fois un tout et un opposé. Lui, si imbu de lui-même, elle, se sous-estimant alors qu’elle pourrait valoir tant. Il voudrait avoir un contact charnel avec elle. Elle voudrait pouvoir pénétrer son âme, décrypter la moindre des pensées qui parcourent son esprit à cet instant présent. Quand je n’étais qu’une graine, on me contait les histoires du Monde. Avec un grand M. Je me passionnais pour ces mythes grecs où la généalogie elle-même était un fardeau. Pourtant, ils bravaient les tempêtes et vivaient leur amour, leur amitié, leur courage, leur rêve au grand jour. Certains connaissaient la folie meurtrière, une amitié inébranlable, un amour aussi inattendu que foudroyant. Je prenais cela pour des leçons de vie dont je n’aurais jamais l’utilité. Je n’étais qu’une graine. Mais de petit je suis passé à grand, et je sais désormais que mes jours sont comptés. Cela aussi, on le contait dans les histoires. Avec moins de détails, mais on en parlait. Aucun de nous ne se voilait la face.
Un jour, on nous libérera de nos racines et tout viendra à nous manquer jusqu’à ce que la mort frappe, insouciante de ceux qu’on peut laisser derrière nous. Aussi foudroyante que l’amour que je découvrais devant mes yeux. Ils ne se parlaient pas. Se tenaient la main, simplement. L’intensité des sentiments peut parfois dépasser la raison. Je n’en ai jamais éprouvé de tels. Ai-je loupé un morceau de vie qu’on doit connaître avant son trépas ? Le retour en arrière est inenvisageable. Le soleil surplombe ma résidence verdoyante. Et quand mes deux victimes du « coup de foudre » s’approchent de moi, je sais que c’est le dernier qu’il me sera donné de connaître. Et par une quelconque coïncidence ou simple normalité, j’ai vu ma vie défiler devant mes yeux. On me coupe de mes racines.
Après tout, à l’origine, je ne fus qu’une simple graine.
Acte IV. Devant.
Mon nom est Lise Donovan. Je suis mariée depuis quarante ans. Un homme formidable, auquel j’ai pu m’accrocher solidement au fil des jours. J’ai pris confiance en moi, et désormais je vise le succès. J’ai voulu réussir mon mariage, je l’ai fait. J’ai voulu réussir ma famille, je l’ai fait. Et maintenant ? Attendre simplement la fin en espérant ne pas heurter trop d’obstacles en route ? Non jamais. J’ai réussi ma vie, je réussirais ma propre mort. Mon mari me suit dans la procédure. Ma mise en scène sera parfaite. Poussez la perfection aux confins du possible, et l’impossible vous ouvrira ses portes. J’appelle ma mort telle que j’avais choisi de la connaître. Main dans la main, nous affronterons l’inconnu. Cet aimant m’attire. Un tel plongeon nécessite une volonté implacable. Je suis prête. Lui aussi. Je m’étais repassé le fil de ma vie, seule.
Les coïncidences sont parfois si prévisibles.
Acte V. Derrière.
Mon nom est Will Padell. Je n’ai rien fait de ma vie, contrairement à ce que je pensais, il y a quelques années. Le célibat, la bière et les matchs de foot à la télé furent mes seules compagnes pendant ces longues années. J’ignore pourquoi on vous a conté cette histoire. Peut-être pour prouver au monde que la force des sentiments peut renverser la balance. Chaque jour apporte son lot de délivrances comme de nouveaux fardeaux. Par un simple crépuscule, j’ai changé. Je sais qu’elle aussi. Lise. Une aventure, une nuit, peuvent changer un homme. Une femme. Elle était partie, si vite, m’abandonnant, désormais si incertain alors qu’elle n’avait jamais éprouvé le moindre doute. Lise. J’avais tant à lui prouver, elle si peu. Et aujourd’hui, quand je feuillette les avis mortuaires, je sais que désormais, elle m’enseigne la véritable confiance en soi.
Pour la première fois depuis que j’ai gâché ma vie, qu’elle m’a quitté au beau milieu d’un champ de navets, j’oublie qu’elle fut mon unique amour. Le stéréotype est encore la meilleure représentation des sentiments.
Qui suis-je face au monde ? Un point. Une poussière. Vouée à disparaître. Profiter de chaque instant présent. Une existence peut se résumer à si peu. Une aventure, une nuit, c'est si peu.
Un jour, Ralphaez a écrit :C'est la barbe, ça vieillit, ma copine a ce problème.
Millie fixait son chaudron avec un air très concentré. Toutes les autres filles autour d’elle en étaient déjà à un stade beaucoup plus avancé de la préparation. Des petites volutes de fumée violette commençaient même à s’élever au dessus du chaudron de sa voisine de table, Cassandre. Résolue à ne pas se laisser démonter, elle empoigna le petit canif et trancha quelques pattes d’araignée. Le professeur circulait dans les rangs, jetant quelques œufs de cafards à tout va dans les marmites fumantes. La routine d’un cours de potion, en quelque sorte. Lorsque l’heure s’acheva, Millie versa le breuvage dans une petite fiole en verre avant de quitter la pièce. Autour d’elle, les petites filles riaient de bon cœur, couraient, jouaient. Elle se contentait de marcher silencieusement, les yeux rivés sur les pavés et de se perdre dans ses pensées. Elle marcha longtemps comme ça, et finit par arriver à l’orée de la forêt. Les nuages se disputaient le ciel, menaçants et présageant un orage foudroyant. Les rires des fillettes se perdaient, signe qu’elle était très éloignée du groupe. Une goutte de pluie tomba sur le sol, laissant une petite trace sombre sur les pierres. Un deuxième la suivit peu de temps après. Les gouttes se succédèrent, de plus en plus rapprochées, jusqu’à ne former plus qu’un immense rideau de pluie, infranchissable si l’on souhaite se préserver de l’humidité.
Millie voulut se protéger au couvert des arbres et pénétra donc les bois. Elle courut, slalomant entre les petites gouttelettes qui se frayaient un passage entre le feuillage. Rapidement, elle perdit tout point de repère, et finit par se perdre. La petite fille, voulant faire demi-tour trop vite, se prit le pied dans une racine et s’étala sur le sol, son front heurtant quelque chose de dur. Sonnée, elle ne se releva que quelques minutes plus tard, les genoux et les paumes de ses mains écorchés. Ses petites blessures la brûlaient mais elle reporta son attention sur l’objet brillant sous sa tête. Une petite pierre, brillant de milles feux. Elle la saisit dans sa main et l’observa sous toutes les coutures. Elle n’avait rien de particulier. Légèrement, du bout du doigt, elle caressa le fragile fragment de roche et disparu, soudainement. La forêt fut à nouveau aussi déserte qu’elle l’était il y a quelques minutes, avant son arrivée. A l’autre bout du parc de la petite école de magie, une petite fillette blonde réapparut, l’air sonnée. Les gens s’ameutèrent autour d’elle, et quand elle raconta qu’elle avait vu le futur, personne ne la crut. Mêmes les sorcières ne peuvent pas voir l’avenir.
Millie (Alice Brandon) avançait d’un pas solennel entre la foule qui s’était écartée sur son passage. Ses yeux fixaient le mur du fond. Résignée, elle savait que beaucoup de choses pesaient sur ses frêles épaules. Derrière elle, Cassandre (Victoria Yang) portait la longue traîne de sa robe et murmurait quelques paroles d’encouragement à son amie. Se fut l’une des seules personnes à l’avoir supportée après sa vision du futur, l’une des seules qui comprit réellement l’enjeu.
Pendant des heures, Cassandre remuait les antiques ouvrages de potions, sous le regard attentif de son amie. Cela faisait des mois qu’elles étaient à la recherche d’une formule pour créer une potion menant à l’immortalité. Millie avait l’esprit ailleurs, et passait son doigt à quelques millimètres de la Pierre, sans jamais la frôler. A plusieurs reprises, Cassandre lui demanda d’arrêter mais elle ne le fit pas. La nuit tombait sur la ville, et la jeune femme commençait à désespérer. Malgré son « don » de préparatrice de potions, elle n’avait toujours pas trouvé ce qu’elle voulait. Puis soudain, au détour d’une page, elle sut enfin. Elle releva la tête, et cria de joie, faisant sursauter Millie. Son doigt dérapa sous la surprise et entra en contact avec la Pierre. Cassandre s’alarma quand son amie disparu en un clin d’œil. La panique la gagnait peu à peu quand Millie se re-matérialisa sur le tabouret haut. La jeune fille suffoquait, les yeux brillants. Elles surent toutes les deux que la potion tombait au bon moment.
Le Prince Electeur (Andreas Garrett) regardait la sorcière s’avancer vers lui. Longtemps, il avait douté de l’existence de la Pierre, tout comme de la véracité des paroles de Millie. Les sorcières s’étaient faites rares à travers le pays, au fil des années, préférant se couper du reste du monde que de communiquer leur immense savoir à une population dans le besoin. Il était évident que le choc avait était énorme quand il avait prit connaissance des faits : une jeune sorcière à peine diplômée de l’université de Magie, possédant une pierre capable de montrer l’avenir, et voulant se mettre au service du peuple de la cité. Longtemps, il avait renié une telle possibilité. Mais il avait du y faire face, puisque les prophéties qu’elle annonçait s’était peu à peu révélées.
En plein conseil des ministres, le Prince exposait sa théorie sur les créatures mythologiques. Dragons, vampires, loups-garous, zombies, que sais-je encore, n’existaient pas. Seul l’imaginaire collectif avait pu fournir des preuves de leur existence dans les siècles écoulés. Les livres relatant les exploits des armées vampires, les écailles de dragons, la fourrure des loups et les monuments détruits par les zombies ne constituaient en aucun cas des preuves tangibles. Il rabâchait cela depuis des heures face à ses ministres totalement éberlués quand le Premier (Damon Edward) d’entre eux déboula, affreusement en retard, avec la nouvelle. Sous le choc, le Prince s’assit sur une chaise, alors que le conseil se levait comme un seul homme, complètement paniqué. Elle ne pouvait pas avoir entrevu des évènements aussi horribles. C’était impossible. Pourtant le Premier était formel. Le Prince quitta la pièce, sous les hurlements des élus. Il devait reprendre ses esprits, et vite.
Cassandre et Millie s’arrêtèrent en haut des marches, face au Prince et au Premier. Millie tenait fermement la Pierre dans sa main, entourée d’un foulard. Leurs talents de sorcières leur permettaient de transmettre les informations rapidement et sans s’encombrer de paroles. Les images transmises étaient éloquentes. De nouvelles guerres de pouvoir se préparaient, dans l’ombre. Les créatures mythologiques referont bientôt surface. Il fallait préparer le pays à la guerre, où les dommages seront irréversibles. Le Premier, pourtant persuadé que ces temps étaient à jamais révolus, paniqua. Mais le Prince garda toute contenance et voulut savoir ce qu’il lui restait à faire.
Cassandre intervint alors et tira une petite fiole de sa robe, qu’elle tendit sur le champ à Millie. Elle demanda au Prince d’accorder l’immortalité à son amie. C’était le seul moyen de continuer à prévoir les évènements, puisque Millie seule pouvait toucher l’objet. Et malgré l’interdiction formelle pesant sur le commerce de potions, il accepta. Le Premier protesta, mais il ne l’écouta pas. Le Prince était effrayé. Et sous ses yeux mortifiés, Millie avala le contenu de la fiole. Dans peu de temps, le processus se mettra en marche, tout comme les armées de soldats voulant récupérer le trône perdu. La guerre est proche. Agir est désormais urgent.
Un jour, Ralphaez a écrit :C'est la barbe, ça vieillit, ma copine a ce problème.
Le cœur battant, les cheveux en bataille, un mince filet de sueur coulant le long de sa tempe, Carrie s’éveillait en sursaut chaque nuit. Ses yeux s’habituaient difficilement à l’obscurité et elle s’apercevait au bout de longues minutes à scruter le vide que tout cela n’était qu’un rêve. Les couleurs chatoyantes, sa belle longue robe de princesse, les multiples aventures qu’elle vivait, ce n’était qu’illusion. Les yeux brillants de larmes, elle se levait, chaque nuit, et par quelques pas mal assurés, elle se plaçait devant son miroir. Son reflet était horrifiant. Ses cheveux se dressaient sur sa tête, son teint était jaunâtre. Elle se saisit de la petite bassine d’eau posée sur sa commode et entreprit de remettre un peu d’ordre dans son apparence. La petite fille blonde était loin de cette horrible gamine qui rêvait toutes les nuits d’un monde meilleur. Les cheveux peignés, sa chemise de nuit rajustée, elle fixa à nouveau le miroir. Ses iris étaient bruns, mais on distinguait clairement des reflets rouges. Il en était de même pour sa chevelure, lorsqu’elle était exposée au soleil. Carrie laissa échapper une larme. Son rêve était vivace. Elle leva son doigt vers la glace, et le posa délicatement contre la surface fraîche, à l’endroit exact où se reflétait son pendentif. Une petite framboise accroché à une chaînette en or.
Carrie (Alice Andrews) ouvrit les yeux, frappée par la lumière du jour. Pour la première fois depuis plusieurs années, elle avait revécu son rêve d’enfance. Elle s’assit au bord du lit et passa une main dans sa longue chevelure blonde, tentant de reprendre ses esprits. A ses côtés, son petit-ami était plongé dans un sommeil agité, mais rien ne laissait supposer qu’il était sur le point de s’éveiller. Bien au contraire. Elle soupira, puis se leva et fit face à son miroir. Son pendentif, bien qu’enfouit sous sa chemise de nuit, était toujours accroché autour de son cou. Elle l’attrapa et passa un doigt sur les contours de la petite framboise, les yeux perdus dans le néant. Les minutes s’écoulèrent, silencieuses, simplement troublées par le léger ronflement d’Adam (Enzo Kanno). La quiétude dans laquelle baignait la pièce était revigorante.
Quelques heures plus tard, Adam démarrait sa voiture. Assise à l’intérieur de l’habitacle, Carrie fixait le paysage, l’esprit ailleurs. Son fiancé s’en rendit d’ailleurs compte, mais ne fit aucune remarque. Régulièrement, Carrie s’évaporait. Il avait l’habitude. Cela n’empêchait pas qu’il s’inquiète. Mais il respectait ses moments. Le regard rivé sur la route, les lèvres légèrement pincées, il enfonça la pédale d’accélération. Après avoir parcouru quelques pâtés de maison, il s’arrêta devant une petite boutique. Carrie descendit de la voiture après avoir claqué un baiser rapide sur ses lèvres. Sortant de son sac un petit trousseau de clés, elle ouvrit la porte de son magasin et entreprit d’ouvrir les fenêtres. Une nouvelle journée de travail était sur le point de débuter.
Lors de sa pause déjeuner, Carrie flânait dans les allées du marché, installé sur la place centrale. Elle s’arrêta devant le maraîcher et s’acheta une petite barquette de framboises. Elle en grignotait quelques unes quant elle stoppa devant une petite ruelle qui lui semblait étrangement familière. D’un œil inquisiteur, elle traversa la route et s’engagea dans l’impasse, les yeux rivés sur le mur de briques qui empêchait les marcheurs comme les conducteurs de s’aventurer plus loin. Elle passa son doigt sur les briques rouges, subjuguée par leur beauté pourtant si commune. Derrière elle, deux hommes s’avançaient à pas lents. Un (Patrizio Perona) avait l’air réjoui, l’autre paraissait torturé. On pouvait même observer les larmes couler le long de ses joues, intarissables. Carrie ne les avait pas vus. Si à ce moment, elle s’était retournée, elle n’aurait vu que l’éclat argenté d’une lame. Peut-être entendu le cri perçant que le propriétaire de la larme lança quand il atteignit sa cible.
La jeune femme s’écroula sur le sol, telle une poupée de chiffon. Sa chevelure blonde baignait dans la marre rouge qui se formait progressivement autour d’elle. Les petites framboises se répandirent par terre, se mélangeant au liquide écarlate. Adam tomba à genoux à côté d’elle, totalement effondré. Il lâcha la lame en argent qu’il tenait, un pistolet toujours présent sur sa tempe. L’homme derrière lui éclata d’un rire machiavélique et, d’un geste brusque, assomma le jeune homme d’un coup de poing. La mort l’enveloppant doucement, Carrie Marchal n’avait jamais été plus belle qu’à cet instant. Son pendentif, rappelant désormais la couleur du sang dans lequel elle était étendue, scintillait sur sa peau d’ivoire.
[…]
Une main tapotait son épaule tentant de la réveiller. Cela faisait des heures que Lalilavila (Shany Larock) patientait. Elle l’avait pourtant reconnue. Cette petite fille qui chaque nuit, venait leur rendre visite. Ils l’attendaient tous. Qu’est-ce qu’ils seraient contents de savoir qu’elle était enfin revenue parmi eux ! Bien sûr elle avait vieilli, mais aujourd’hui elle serait plus à même d’accomplir la sombre mission qui lui revenait de plein droit. La jeune femme ouvrit les yeux et retint une exclamation de stupeur. C’était son rêve, le monde dans lequel elle se perdait dès qu’elle avait une minute, une seconde ! Elle tenta de se relever, bousculant au passage la minuscule Lalilavila mais une douleur lancinante émanant de son dos l’en empêcha. Elle jeta un coup d’œil horrifié à sa colonne vertébrale et ne put se retenir d’hurler cette fois devant la plaie béante. La petite fille la rassura rapidement en lui tendant une des framboises qui poussaient aux alentours. Carrie l’avala et, bien que la plaie restait ouverte, la douleur disparut rapidement. Carrie essaya de se remémorer ses derniers moments, n’y parvint pas.
Lalilavila lui prit sa main et commença à courir. Plus légère que l’air, Carrie n’eut aucun mal à la suivre. Elle détaillait le paysage, tout d’un rouge parfois éclatant, parfois si sombre qu’on aurait pu le confondre avec le noir. Elles passèrent devant un cours d’eau où Carrie eut le loisir de s’admirer. Tout correspondait à la perfection. Une longue robe de princesse, au corset rouge flambloyant, aux jupons d’un blanc éclatant. Ses cheveux avait raccourci, et pris une teinte rouge, eux aussi. Elle était désormais l’héroïne de son propre conte de fées, incarnant le personnage le plus excentrique qu’on puisse imaginer. Elles finirent par déboucher dans une immense clairière, où des centaines de milliers de personnes formaient un cercle autour d’un siège entièrement composé de framboises. Lalilavila alla rejoindre ses compatriotes tout en poussant Carrie à l’intérieur du cercle. Tous les spectateurs retenaient leur souffle. A pas lents, Carrie s’approcha du trône devant lequel était planté un sceptre entortillé sur lui-même. Elle le saisit d’un geste assuré, sans aucune difficulté. Le pouvoir qui émanait de l’objet contaminait petit à petit l’âme de Carrie. Elle se tourna vers la foule, brandissant l’objet. Les cris de joie furent nombreux.
Deux petits lutins sortirent du groupe, des petits nuages rougeâtres volant autour d’eux. L’un d’eux posa une couronne dégoulinante de sang sur la tête de la jeune femme. L’autre se contenta d’apporter le corps d’un homme, blessé, et totalement effrayé.
Le corps à ses pieds, Carrie contempla le sceptre puis le petit lutin à tour de rôle. Ce dernier inclina la tête. Tout s'embrouilla dans sa tête : la pression sur ses épaules, l'adrénaline, la soif de pouvoir. D’un geste vif, Carrie souleva son bras et planta l’objet entre les deux yeux de la victime. Il hurla avant d’expirer. Carrie croisa ses yeux et reconnut Adam. Une larme s’échappa mais les cris de joie aux alentours la ressaisirent vite. Une image frappa soudainement son esprit. Adam marchant dans la ruelle, Adam plantant son couteau dans le corps de sa fiancée.
Chamboulée, la toute nouvelle reine s’avança vers son trône. Et d’un mouvement solennel, elle prit officiellement ses fonctions en temps que nouvelle souveraine du Royaume de Raspberry, l’autre monde où les criminels et autres assassins échouent tous un jour. Son nouveau rôle ? Faire régner la violence et l’enfer sur toutes les terres. Le conte de fées se mue petit à petit en légende morbide et sanglante. Mais après tout, est-ce vraiment un tort ?
Un jour, Ralphaez a écrit :C'est la barbe, ça vieillit, ma copine a ce problème.
De nos jours
Assise à son bureau, affrontant d’un regard lourd de sous entendus la pile de dossiers qui s’accumulaient devant elle, Lisa Stuart (Yaelle Immel) se disait qu’aujourd’hui était un de ces jours où elle aimerait avoir un métier simple. Sa voisine était professeur, son frère bossait à un bureau de banque, ses propres parents avaient tenu la petite boulangerie du quartier pendant de nombreuses années. Des métiers communs, dans lesquels chacun trouvait une utilité quelconque. Qui trouvait un intérêt à une fonctionnaire obscure qui triait des monticules de papier à longueur de journée ? Personne. Et comme le secret est de rigueur dans certaines professions, ce n’était pas demain la veille qu’une personne de son entourage prendrait conscience du rôle qu’elle jouait dans la survie de l’Histoire de notre petite planète.
Lisa Stuart connaissait l’envers du décor bien mieux que n’importe quel badaud assis au bar d’une taverne lugubre, croyant que refaire le monde à sa façon rendrait heureux ceux qui avait besoin d’un peu de lumière dans leur existence. Si tout le monde connaissait les services secrets américains, peu connaissait véritablement toute la ramification intérieure des bureaux du FBI.
Spécialisée dans les affaires fantastiques en tout genre, relevant du monstre gluant tout droit sorti des bas-fonds de New York ou du vengeur Masqué qui terrorise des milliers d’habitants inconscients de la puissance de l’homme. Très peu de gens connaissaient le service, oui. Mais tous avaient eu au moins une fois affaire à lui, qu’ils le veuillent ou non.
Exaspérée et complètement abattue par la quantité de travail qu’il lui restait à accomplir, elle soupira avant de quitter le petit box et de se traîner lamentablement jusqu’à la machine à café la plus proche. Le soi-disant mage noir tout droit sorti d’un Harry Potter mal filmé pourra attendre encore une bonne dizaine de minutes. Car si les monstres existent réellement (oui, oui !), on ne délègue pas ceux qui sont dangereux au petit personnel. Des agents professionnels s’en occupent. Les employés lambda, parmi lesquels comptaient Lisa, ne s’occupent que des imposteurs. D’où l’ennui continuel qui frappait la jeune femme, alors qu’elle avait toujours rêvé d’aventure.
Perdue dans les volutes de fumées s’échappant de sa tasse de café bouillante, elle se laissa divaguer pendant de précieuses minutes.
La fumée s’échappait également d’un baril de poudre, à des centaines d’années de là. L’homme (Chris Avocado) qui en était responsable admirait son œuvre d’un œil critique. La tête de mort était parfaitement proportionnée sur le sol, la poudre la constituant étalée avec précaution. Après tout, chez les pirates, faisons comme les pirates. Personne ne savait réellement qui il était sur l’embarcation. Le capitaine s’en fichait, du moment qu’il accomplissait son boulot et qu’il n’insistait pas pour récupérer sa part du butin. Vêtu d’haillons, il haïssait la vie en mer. Lui qui avait pris l’habitude de passer ses journées devant son écran de télévision, affalé dans un sofa en cuir luxueux, devoir côtoyer des rustres qui ne connaissaient pas encore la signification du mot « hygiène » l’exaspérait au plus haut point.
A l’aide d’un petit briquet en argent poli, il mit littéralement le feu aux poudres et entreprit de quitter la cale, pour regagner le pont où personne ne se doutait encore de ce qu’il allait arriver. Arrivé près du bastingage, il sorti de la petite poche cousue contre son cœur une petite montre à gousset qu’il s’amusa à ouvrir et à refermer pendant de longues minutes. Et quand les cris commencèrent à retentir, que les flammes prirent possession du rafiot, que les planches de bois furent réduites à l’état de copeaux, l’homme avait d’ores et déjà quitté ces lieux et cette époque, une toute petite pièce en or massif dans sa poche.
Lisa Stuart n’avait pas eu le temps de finir sa tasse de café. Ni même le temps de jeter l’emballage du petit carré de sucre qu’elle avait plongé dans le liquide brûlant. Le chef du service avait été formel. Il voulait la voir dans la minute qui suivait, et pas plus tard. Le temps ne jouait pas en leur faveur. Elle pénétra rapidement dans l’immense bureau et attendit qu’on lui donne ses instructions. Assis sur un petit fauteuil à l’arrière de la pièce, l’homme faisait défiler les photos, les descriptions, la moindre petite information sur le grand tableau blanc avec l’aide d’une télécommande. Un homme, dont on ignorait tout sauf une chose : sa capacité à contrôler le temps. Les conséquences étaient désastreuses pour l’Histoire, entre autres. Agir devenait urgent. Et Lisa Stuart semblait être la personne la mieux placée pour résoudre cette affaire.
Quand la jeune femme voulu savoir pourquoi, son directeur se contenta de hausser les épaules et de sourire. Certaines raisons sont parfois bien trop obscures pour être dévoilées, particulièrement lorsqu’il s’agit de l’entourage d’une personne.
Sa seule peur résidait dans le fait d’être coincé. Seules les personnes les plus proches de lui connaissaient son seul et unique point faible. Ils ne trouveraient jamais quelqu’un capable de l’arrêter. Assis dans l’ombre des remparts d’un grand château médiéval, l’homme contemplait la petite pièce en or. Une de plus. Elles ne tarderont plus à être réunies.
Un jour, Ralphaez a écrit :C'est la barbe, ça vieillit, ma copine a ce problème.
Partie I : Asphyxie Mentale
Assis dans un petit salon étroit, où trois fauteuils imposants occupaient tout l’espace libre, l’inconnu (Chris Avocado) agitait les glaçons dans son verre vide. Le bruit des morceaux de glace se heurtant contre la paroi en verre troublait le lourd silence qui s’était abattu sur la pièce quelques minutes auparavant. Le tic-tac incessant de l’horloge commençait sérieusement à peser sur le système nerveux de la femme assise à l’opposé de la pièce.
D’un geste brusque, elle lança son propre verre contre le cadran et brisa le mécanisme dans un vacarme indescriptible. Si les trois autres personnes présentes dans la pièce furent surprises, aucune d’elle ne s’opposa au geste de la volcanique brune (Tamara Raven).
Une blonde, répondant au nom d’Isa (Alice Andrews), soupira et se leva pour aller ramasser les débris de verre répandus sur le sol. Le dernier homme (Daniel Winstone), affalé dans un fauteuil, dans l’ombre, faisait fonctionner ses neurones. Le coup avait été dur, mais l’inconnu avait été formel.
L’inconnu en avait franchement marre du mutisme qui s’était emparé des trois seules personnes à qui il avait pu faire confiance. Excédé, il ouvrit la petite mallette de cuir qu’il emportait toujours avec lui et en sortit une énorme liasse de documents. A peine eut-il ouvert la bouche qu’ils stoppèrent leurs mouvements, pour se concentrer sur l’essentiel. Isa, Matt et Luce réalisèrent enfin l’enjeu.
Ils échangèrent quelques regards angoissés avant d’avancer vers l’inconnu au chapeau, qui continuait de parler. Le temps était venu d’agir.
L’inconnu prit le contrôle de leurs pensées.
Partie II : Paralysie Physique
Luce avait tout planifié. A l’intérieur de la petite camionnette de fortune qu’ils avaient acheté une misère dans un magasin d’occasion, elle avait bâti un véritable QG informatique et technologique imprenable, insaisissable. Le trac était pourtant toujours présent. La peur de se faire prendre. La peur de n’être que la simple victime de cette énorme machination. Pourquoi était-ce à eux de faire cela ? Pourquoi fallait-il simplement faire cela ?
Matt stoppa le véhicule et grimpa à l’arrière pour rejoindre Luce. Il remarqua qu’elle s’interrogeait, beaucoup, beaucoup, beaucoup trop. Il avait pourtant été clair. On appliquait les ordres à la lettre, sans se poser de questions. Il passa un bras autour de ses épaules et murmura quelques paroles de réconfort. N’allez pas croire qu’il ne doutait pas. Il était juste totalement sous l’emprise de l’inconnu.
Isa était assise à l’avant, et n’avait pas encore trouvé la motivation nécessaire pour quitter l’habitacle. Elle tenait dans ses mains toute l’ingéniosité de cet inconnu. Un simple carré de papier où avaient été inscrites toutes leurs instructions, ainsi qu’un plan des lieux.
Règle n°1 : Toujours ouvrir les portes avec fracas.
Face à la porte blindée, ils parvinrent à faire reculer leurs peurs à l’intérieur des recoins les plus sombres de leurs âmes. Et après plusieurs coups de feus violents, ils pénétrèrent à l’intérieur de l’imposant bâtiment.
Règle n°2 : Courir n’est pas une option.
Ils parcouraient les couloirs aussi vite qu’il leur été permis de le faire. Isa suivait tant bien que mal les indications sur le plan. Et à l’embranchement face à eux, elle n’hésita pas et pris directement sur sa droite. Luce stoppa devant une trace rouge brique sur le sol. Elle appela ses coéquipiers et Matt récita à voix haute la suite du programme.
Règle n°3 : Le rouge est synonyme de violence. Tuer n’est pas interdit.
Isa traînait déjà un cadavre sur le sol. A son uniforme, on reconnaissait un agent de sécurité qui aurait mieux fait de rester chez lui le soir là. Matt fouilla le mort, jusqu’à trouver un petit trousseau de clés. Rapidement, il tenta d’enfoncer chacune d’entre elles dans la serrure sur le sol. Lorsque qu’un cliquetis se fit entendre, il sourit largement.
Règle n°4 : Les diamants ne s’évadent pas facilement des coffres blindés.
L’inconnu contrôlait le moindre de leurs mouvements
Partie III : Ingénieux Asservissement
L’inconnu s’auto-congratulait dans le petit salon. Car, il n’était pas inconnu de tout le monde. Elliott Wandslay était le terroriste le plus recherché de tous les temps. Ses méthodes demeuraient obscures pour tous les agents de polices.
Manipulation, corruption, vols, meurtres, étaient monnaie courante chez lui. Ses petits protégés accompliraient le sale boulot contre leur volonté. Il est impossible d’arrêter le plus grand méchant de tout les temps. Il se leva, décrocha le téléphone, et composa un numéro.
« Mon nom est Matt Hew. Je suis en train de voler un diamant. »
C’était la première fois qu’il accomplissait une telle expérience.
L’inconnu décidait de leur destinée
Un jour, Ralphaez a écrit :C'est la barbe, ça vieillit, ma copine a ce problème.
Quand il avait accepté de mettre le pied sur ce fichu rafiot, on lui avait fait miroiter tout le luxe clinquant de ces croisières de riches qu’on voyait dans les films. Il était étudiant en fac de médecine, et repiquait allégrement sa première année, faute d’avoir réussi à trouver un jour une place dans un amphi toujours plus rempli. On pouvait pas franchement dire qu’il roulait sur l’or, mais il avait suffisamment de ressources pour sortir tous les samedis soirs dans les boîtes les plus branchées du coin. Ceci expliquant cela, on ne pouvait pas franchement dire non plus que Dan (Patrick Vrana) avait bossé pendant son année. Pourtant, il était mentalement épuisé. Il n’avait pas d’explication rationnelle à cela. Juste une éternelle lassitude. Alors, quand il avait vu ce spot publicitaire à la télévision, il avait sauté sur l’occasion. Des vacances, gratuites, à condition de donner un coup de main au personnel, sur un bateau qui pourrait lui offrir tout le confort dont il rêvait. Voilà comment il s’était retrouvé sur une espèce de barque en bois flotté, menaçant de couler à chaque mouvement de la mer.
Adieu, cocktails à siroter sur le pont en compagnies de jolies filles qui voudraient tout savoir de ses capacités exceptionnelles en chirurgie (même tout ce qu’il avait disséqué jusqu’à présent, c’était une pauvre petite grenouille). Adieu, couchette spacieuse et oreiller de plumes. Tout ce qu’on lui avait donné jusqu’à présent, c’était un vieux matelas troué par le temps et les mites, une fine couverture qui grattait, un seau et une serpillère. Et ils osaient appeler ça des vacances.
Le premier soir, la capitaine de bord (Francesca Adler), pas vilaine à regarder quand y réfléchissait bien, l’invita dans la pièce qui lui servait de bureau. Elle lui avait donné un verre d’alcool, qu’il n’avait jamais pu identifier, lui avait posé quelques questions. A chaque fois qu’il vidait son verre, elle le remplissait à nouveau, ne le laissant jamais s’arrêter de boire. Plus le temps passait, plus sa tête lui tournait, plus ses réponses étaient décousues et dénuées de sens. Et quand elle lui demanda de quoi il avait le plus peur, il toussota légèrement et lâcha d’une voix grave « La solitude ». En réalité, il avait peur des araignées. Ce soir là, ils étaient dix étudiants sur le bateau. Le lendemain, ils n’étaient déjà plus que neuf.
Le cinquième soir, il passait sa serpillère le long du pont. Le rafiot était de plus en plus vide, seuls 5 étudiants répondaient encore à l’appel le matin. Eux, plus la capitaine, effrayante et si douce à la fois. Chaque soir, elle lui donnait à boire, et il buvait comme un trou. Il se souvenait rarement le lendemain de ce qu’il avait pu dire, mais aimait ces instants de libération totale, bien qu’il ne soit pas sûr qu’ils soient bénéfiques. Ce matin, il avait senti ses mains trembler légèrement, sa tête bourdonner. Il avait mis ça sur le compte de sa gueule de bois, et du mal de mer, peut-être.
Le cinquième soir, il ne fut pas convié à boire un coup. Elle passa simplement lui donner un médicament contre les nausées. Avant de s’endormir, la seule chose qu’il vit fut le visage de sa grand-mère, penchée devant lui. Sa grand-mère était morte depuis 10 ans.
Le sixième soir, il traîna son corps tremblant jusqu’à la chaise qu’il avait prit l’habitude d’occuper, face à son regard glacé qui le détaillait de bas en haut. Ce soir elle ne lui donna pas à boire, elle ne lui donna pas de médicament. Le bateau était perdu au milieu des mers, il ne savait pas trop où au juste. Beaucoup d’étudiants avaient disparu. Il ne souhaitait même pas savoir comment. Elle ne parla pas pendant quelques temps, se contentant de scruter son patient. Elle se leva brusquement, et fit entrer les quelques survivants dans la pièce, tous dans un état aussi lamentable que Dan.
Elle retourna se placer derrière lui, glissa quelques mots à ses oreilles.
« Tu vois bien qu’ils sont épuisés d’être ici. Ne les laisse pas devoir supporter un jour de plus ».
Elle posa un revolver sur le bois du bureau, près de la main de Dan.
Quelques minutes plus tard, il sortait en courant du bureau, l’arme toujours à la main, dégoulinant. La pluie battait avec force, son visage était trempé, ses vêtements déchirés. Sa tête bourdonnait encore et encore et encore. Des images, floues, nettes, sombres, lumineuses apparaissaient devant ses yeux. Et à chaque fois elles éclataient, en lambeaux rouge vif, et se répandaient sur le sol avant de disparaitre. Sa tête hurlait, et de légers chuchotements se répétaient sans cesse.
« Tu ne pouvais pas nous laisser comme ça »
Dans sa poche, il trouva un comprimé, semblable à celui qu’il avait pris quelques jours plus tôt. Il l’avala sur le champ. Le bateau était perdu au milieu des mers. Il hurla, de peur, de désespoir, de colère et d’inconscience, mais il était certain que personne ne pourrait l’entendre. La fuite paraissait obligatoire.
Un jour, Ralphaez a écrit :C'est la barbe, ça vieillit, ma copine a ce problème.
18 mars, au matin.
Max Daniels (Andreas Baccarin) avait pris la peine de réserver l’hôtel particulier, à la même date que les autres années. Pourtant, cette année, il se serait volontiers passé de cette réunion d’anciens élèves de la fac publique de l’Ohio. Lorsque qu’il avait vu arriver la date sur son calendrier, il avait longtemps hésité à réitérer une fois de plus l’expérience. Son emploi du temps d’agent fédéral était plus que chargé ces dernières semaines et devoir empêcher à nouveau Stevy McQueen de se jeter du haut du balcon parce que la fille dont il avait toujours rêvé l’avait, une fois de plus, envoyé sur les roses. Quatre ans que ça durait et ce pauvre Stevy ne s’était toujours pas rendu à l’évidence. Son téléphone sonna. En parlant du loup… Il décrocha, salua sa femme et lui jura qu’il était au bureau. Pour l’instant, ce bar n’avait pas franchement une allure de lieu de travail.
La femme en question, la fille qui rendait dingue Stevy McQueen, c’était Anna Summers (Morena Christopherson), récemment devenu Anna Daniels. A l’époque, elle étudiait la politique. Elle s’était récemment reconvertie dans une branche obscure du domaine bancaire. A l’époque, elle était belle. Et ça, ça n’avait pas vraiment changé. Elle s’éveilla dans une chambre d’hôtel qu’elle ne connaissait que trop bien, les membres légèrement engourdis, le sourire aux lèvres. Allongé à ses côtés, un homme qu’elle côtoyait depuis plusieurs mois, encore endormi. Il n’était même pas question qu’elle reste là à attendre qu’il se réveille. Prenant garde de ne pas faire de mouvements brusques, elle s’extirpa du lit, enfila sa robe noire qu’elle avait laissée trainer sur le sol et récupéra ses chaussures à l’autre bout de la chambre. Elle sortit de la pièce au pas de chasse et dégaina son téléphone. Elle envoya tout d’abord un message à son amant, abandonné au milieu des draps, et passa un coup de fil à son cher et tendre. La voie était libre pour rentrer à la maison. Mais pas avant une bonne tasse de café.
S’affairant derrière son comptoir, Alexander Wallon (Sam Glass) servait son énième café de la journée. On lui avait longtemps fait miroiter un avenir brillant derrière les caméras, et il avait fini avec un tablier autour de la taille, à tenter de faire marcher tant bien que mal le vieux bistro de ses parents. Au bout de la salle, Max lui adressa un signe de la main alors qu’il laissait un verre vide et un généreux pourboire sur la table. En voilà encore un qui avait eu ce qu’il voulait. Un job marrant, une femme absolument magnifique, du fric, du fric et encore du fric. Il allait débarrasser la table quand la deuxième Daniels passa la porte. Anna n’avait absolument pas changé. Elle s’assit sur un tabouret de bar, lui décocha son plus beau sourire et commanda un café serré. Bien serré. Peu de temps après qu’Anna eu déserté les lieux à son tour, Alexander cessa enfin de cacher le portefeuille qu’il lui avait dérobé.
18 mars, au soir.
La fête battait son plein dans l’hôtel particulier. Des centaines de personnes s’agitaient, saluant de vieilles connaissances, remuant leurs corps moulés dans des tenues de soirées sur la piste de danse. D’autres profitaient du buffet comme s’ils n’avaient pas mangé depuis deux jours. Max et Anna paradaient à travers la foule, jouant chacun à leur tour de leurs charmes, pour exhiber du mieux qu’ils pouvaient leur classe, leur argent. Alexander se contentait de serrer les mains de ses anciens coéquipiers, discutant de la carrière internationale de l’un d’entre eux, et des succès au cinéma d’un autre.
A l’extérieur, une jeune femme (Ezra Hoskins) sortit d’un taxi à toute allure, manquant de trébucher et de déchirer sa robe. Elle pénétra dans l’hôtel particulier un énorme sourire aux lèvres, et se précipita sur Anna qui la serra dans ses bras immédiatement. Mary s’était volontairement expatriée en Europe depuis qu’elle avait quitté la fac. La version officielle tenait dans le fait qu’elle suivait des études de design. Il était effectivement un peu honteux de dire en société qu’on était poursuivie par la justice pour complicité de meurtre. Encore moins agréable de savoir qu’elle avait pénétré le territoire américain avec de faux papiers et qu’elle ne pourrait pas rester longtemps avant qu’un flic la coffre. Mais tout est dans les apparences.
Après avoir salué la majorité des personnes qu’elle connaissait ou croyait connaître dans l’assistance, Mary alla se débarrasser de ses affaires dans une pièce attenante. Lorsqu’elle passa le seuil, une odeur atroce lui frappa le visage. Elle se pinça le nez, posa sa veste et inspecta les alentours. Une statue de marbre blanc avait été décorée pour l’occasion. Une couche de rouge à lèvres étalée tout autour de la bouche, une perruque de cheveux noirs étonnamment réalistes posés sur les cheveux gravés dans la pierre. Poussée par la curiosité, Mary toucha la perruque, qui glissa sur le sol, laissant une horrible marque rouge sur le blanc immaculé.
Lorsqu’on entendit son cri, la musique stoppa brutalement et la majorité des convives se précipitèrent en direction du bruit, Anna, Max et Alexander à leur tête. Lorsqu’ils retrouvèrent enfin la jeune femme, elle pleurait et tendait le doigt en direction d’un corps posé sur le sol. Une jeune femme, entièrement dénudée, dont on avait arraché tout le cuir chevelu, dévoilant par endroit sa boîte crânienne. Les cheveux gisaient à terre, juste à côté de Mary. Il s’agissait de Lisa Ween (Joan Bremner), la première petite amie de Max. Max voulut appeler les flics, Mary l’en empêcha. Anna voulu déplacer le corps, ce fut Max qui l’en empêcha. Alex, lui réfléchissait. Personne après Mary n’avait pu rentrer dans l’hôtel et seuls des gens qu’il avait connu étaient présent. Aucun intrus n’a pu se joindre à la fête. Plusieurs personnes allèrent verrouiller les portes, pour coincer le meurtrier. Ils étaient désormais enfermés. Il ne faisait aucun doute que le tueur était parmi eux. Et les quatre principaux organisateurs de la fête étaient tous parfaitement capables de commettre un tel acte. Max, menteur invétéré, Anna, qui trompait son mari sans vergogne, Alexander, voleur insaisissable, Mary recherchée pour complicité de meurtres. Oui, tous avaient les capacités de tuer de sang froid. Mais qui avait le profil du parfait meurtrier?
Inutile de dire que le coupable avait l’intention de recommencer. Il lui fallait faire taire la vérité, coûte que coûte.
Un jour, Ralphaez a écrit :C'est la barbe, ça vieillit, ma copine a ce problème.
Le tapotement du crayon sur le bois du bureau se répétait depuis quelques minutes. Le silence était pesant, à la limite du supportable. Tête baissée, yeux rivés sur les dessins compliqués des rainures du bureau, le jeune homme (Alexander Hess) attendait le verdict. Il s’en doutait un peu, mais il y a avait une différence entre le penser et se l’entendre dire. N’y tenant plus, il affronta le regard qui était posé sur lui depuis le début, attendant simplement qu’il s’y résolve.
« Il est évident qu’elle est dangereuse, Mr Ferguson »
La suite de l’entretien se déroula à la manière de toutes les consultations chez un psy. Antécédents probables, traumatismes, rêves déroutants, … Mais Adam Ferguson répondait à toutes les questions qu’on lui posait, sans broncher, avec une gravité sans précédent. La psy (Brittani Fitch) notait tout consciencieusement sur son petit calepin, hochant la tête de temps à autre, soupirant aux instants adéquats, et enchaînant les questions impersonnelles les unes après les autres. Tandis que le jeune homme parlait sans discontinuer, elle jetait des coups d’œil incessants à la petite horloge posé à côté d'un imposant bouquet de fleurs. Plus que trois heures et elle pourrait quitter ce putain de bureau.
Quelques minutes plus tard, Adam quitta la pièce, le regard froid, le visage dénué de toute expression. Dans la salle d’attente, un homme exaspéré (Alex Blakstad), qui sans cesse, observait une petite fille d’une dizaine d’années aux cheveux blonds (Cristina Rasmuson . Elle tenait ses mains soigneusement fermées, et lançait des coups d’œil apeurés à quiconque osait s’approcher d’elle. Adam s’approcha de sa sœur, posa sa main sur sa crinière blonde. Elle effectua un mouvement de recul impressionnant. Les yeux embués de larmes, légèrement tremblant, le grand frère retourna s’assoir, près de l’homme. La psy les reprendrait dans quelques minutes. Le temps de fumer sa clope et finir sa manucure, entamée peu avant leur arrivée.
Phil Deniew donna un coup de coude dans les côtes de son neveu. Ce dernier sursauta, lança un regard haineux à son tuteur, et se replongea dans ses pensées. Ce ne fut absolument du goût de son interlocuteur. Il l’interpela, se lancèrent quelques paroles haineuses avant que l’homme perde patience.
« - Tout ça c’est de ta faute Adam ! On n’en serait pas là si t’avais été capable de surveiller ta sœur ! T’es qu’un incapable, comme ton père ! Elle est devenue folle à cause de toi, ma soeur n’avait rien à voir là dedans !
- Tu ne sais pas de quoi était capable maman ! De toute façon, t’en as rien à foutre de nous ! Tu fais ça juste parce que leur testament te donne droit à la moitié de ce que mes parents avaient une fois qu’on sera majeurs ! »
L’homme allait frapper son neveu quand la psy fit irruption, invitant Phil à entrer à son tour dans son bureau. Adam se leva d’un geste brusque et se dirigea vers les toilettes. De l’extérieur, on entendit distinctement le bruit du verre qui se brise. Sur sa chaise, la petite fille serrait encore plus fort ses mains.
« Mr Deniew, vous êtes le tuteur d’Adam et Marylin Ferguson, déclaré comme tel suite à la mort de Lise et Frédéric Ferguson dans un accident de voiture. Vous devez savoir que votre nièce est atteinte de troubles mentaux, certainement dus au traumatisme de la perte de ses parents. Nous allons entreprendre une thérapie destinée à la soigner, qui devra se poursuivre tout au long de sa vie. Marylin n’a pour l’instant fait aucun mal mais nous devons prendre garde à ce qu’il pourrait arriver. J’aurais besoin de votre signature sur ces différents papiers. »
Le reste de leur entretien se déroula dans le silence, seulement entrecoupé du battement frénétique du stylo sur les feuilles de papiers et du frottement de la lime à ongles.
Marylin observa son oncle quitter le cabinet, puis suivit sans broncher la femme qui l’invitait à y entrer. Elle ne savait pas où était le gentil garçon qui l’accompagnait toujours d’habitude. Doucement, elle posa un pied devant l’autre, veillant à ne jamais laisser d’espace entre ses mains fermement tenues ensembles. La dame lui demanda de s’assoir sur un petit canapé de cuir noir, ce qu’elle fit toujours dans un silence religieux.
« Je suis ici pour t’aider Marylin. Tu ne dois pas avoir peur de moi. Tu voudrais bien ouvrir tes mains, s’il te plait ?»
Elle hésita longtemps, mais s’exécuta finalement. Elle entrouvrit ses deux paumes, maculées de rouge brillant, séché par endroit. Le cadavre d’un petit papillon à qui on avait fracturé les ailes et ouvert le corps gisait dans les mains de la petite fille. Elle le laissa tomber par terre, tachant la moquette grise. La psy retint son souffle et son cri, essayant de rester calme.
«- Pourquoi as-tu fait ça, Marylin ?
- J’ai toujours détesté le printemps. »
Les jambes tremblantes, la jeune femme s’avança vers son calepin et griffonna à la va vite quelques mots. Elle voulut se retourner mais se figea littéralement quand elle sentit un contact contre son dos.
« Vous avez des fleurs. »
Une douleur fulgurante la frappa le long de la colonne vertébrale et, cette fois, elle ne put contenir son hurlement. A travers ses yeux mi-clos, elle entraperçu une mèche blonde. Un léger chuchotement lui parvint à l’oreille. « J’ai toujours détesté le printemps ».
Quelques heures plus tard, Phil et Adam attendaient dans la même salle d’attente tandis que la police criminelle faisait son boulot. Phil avait appelé quand il avait entendu le cri et son neveu n’avait pas pu l’en empêcher. Un agent sorti du bureau avec le rapport qu’avait effectué à la va-vite le légiste. Les membres fracturés et la colonne vertébrale entaillée très profondément avant le coup de grâce, un coup en plein milieu de la poitrine. Marylin avait disparu.
« - Nous lançons immédiatement des recherches. Si on arrive à coincer votre nièce, on va devoir l’enfermer, Mr Deniew.
- Mais ce n’est qu’une gamine ! hurla Adam, sans que personne n’y prête attention. »
Une gamine, peut-être. Mais à l’autre bout de la ville, une fleuriste regardait, attendrie, la petite fillette blonde de dix ans qui demandait d’une voix douce « Vous avez des fleurs ? »
Un jour, Ralphaez a écrit :C'est la barbe, ça vieillit, ma copine a ce problème.
Sentir son corps se perdre au milieu du néant. Oublier toute sensation de pesanteur, simplement se laisser aller. Les sons, les lumières, les odeurs ne sont après tout qu’une infime part de l’iceberg émergé de notre vie. Se perdre. Jusqu’à ce qu’une lueur apparaisse à nouveau, qu’une note se joue à notre oreille. Un bip, incessant, inconstant. Le tic-tac incessant de l’horloge qui rappelle que chaque seconde est désormais comptée. Plus l’aiguille avance sur le cadran, plus la vérité et les souvenirs s’estompent. Vouloir quitter cette brume épaisse et oppressante, mais en être incapable. Savoir que de l’autre côté de ce brouillard, l’aiguille avance sur le cadran. Et que la vérité se perd, inévitablement.
Une bande de plastique jaune ornée de grosses lettres noires avertissant les passants de ne pas s’approcher encadrait les lieux. Il y avait pourtant peu de chances qu’un badaud s’approche des lieux. La forêt était épaisse, et rares étaient les promeneurs du dimanche à s’aventurer sur des chemins aussi escarpés. Pourtant, aujourd’hui, nombreux étaient les hommes à patrouiller sur tout le périmètre encadré par la banderole. La plupart d’entre eux portaient l’uniforme, certains étaient accompagnés de chiens et le bruit de leurs pas régulier se répétait dans les alentours. Des flashs crépitaient, des radios grésillaient. Un homme agenouillé (M. Jarre) entre plusieurs racines était penché au dessus de quelque chose, impossible à distinguer pour son adjointe (A.Ballard), debout derrière lui, qui s’était avancée en écrasant son vergogne une petite limace qui passait par là.
L’homme avait porté à son oreille son téléphone et murmurait quelques mots, trop vite, trop indistinctement. L’adjointe crut comprendre qu’une "deuxième victime" avait été transportée à « l’hôpital le plus proche » durant la « nuit ». Une fois de plus, l’adjointe tenta d’entrapercevoir ce qui se trouvait sur le sol. Son supérieur se releva d’un coup, la bousculant et manquant de la faire tomber. Il la rattrapa avant qu’elle ne s’écrase malencontreusement sur des pièces à conviction. Damien Dalwan avait le regard voilé et sa voix était lourde quand il lui adressa le premier ordre de sa journée.
« Fournissez-moi toutes les informations que vous pourrez trouver sur Lise et John Withman»
Les mots giflèrent à eux seuls l’adjointe. Son cœur commença à battre avec plus de force mais devant Dalwan, elle resta impassible. Elle hocha simplement la tête et avança vers des sous-bois toujours plus éloignés de la route par laquelle elle était arrivée. Une fois atteint l’extrémité du périmètre où les forces de l’ordre continuaient de s’agiter, elle osa cependant adresser un regard au petit coin de terre que Dalwan avait surplombé pendant de longues minutes sans le laisser y jeter un coup d’œil.
Un corps, entièrement dénudé, y était étalé. La majorité des cheveux de la victime avaient étaient dispersés tout autour d’elle et avait apparemment étaient arrachés avec violence, au vu des plaies béantes qui s’étendaient sur son crane. L’intégralité du corps était recouvert de terre et de poussière mais on distinguait sans aucun mal les coups qui y avaient été portés. La jeune femme, à laquelle on ne donnait pas plus d’une vingtaine d’années, avait du souffrir le martyre. Et pour cause. Entre ses deux seins, on pouvait lire une inscription gravée au couteau qui s’étendait jusqu’ au milieu de son ventre : «IL FAUT EFFACER LES PREUVES »
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Une tasse de café bien serré dans une main, plusieurs dossiers dans lesquels étaient entassés des tas des papiers qui mériteraient d’être classés dans une autre, Maitre Williamson (W.Erotas) courait dans le couloir de l’hôpital régional Ste Anne. Il savait qu’il arriverait probablement trop tard, mais il se devait de rencontrer l’unique parent qui restait aux deux jeunes filles attaquées cette nuit. Il pénétra dans une salle d’attente où une femme (S. Taufen) était affalée, seule, à même le sol, le visage convulsé par la tristesse. De ses yeux coulaient des larmes d’un noir d’encre, laissant des traces sur ses joues. L’avocat cessa aussitôt sa course effrénée et stoppa net. Il posa ce qu’il tenait sur une chaise et s’avança vers le milieu de la pièce. Il se laissa tomber sur le sol, près d’Emilie Withman et murmura les mots qui pouvaient paraître de circonstance.
« Toutes mes condoléances, Mademoiselle Withman ».
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Penché au dessus du lit métallique de fortune sur lequel on avait installé le corps d’Alicia Withman, Dalwan prenait des notes de ce qu’il avait pu retenir ce matin. La jeune fille avait été retrouvée pour morte au beau milieu de la forêt, visiblement victime de violences physiques. La seule piste qu’il possédait pour l’instant était la gravure rudimentaire qu’on avait trouvée sur son cadavre. Il soupira un grand coup, et en prenant bien soin de garder son gant en plastique en place, il attrapa le gobelet de café fumant posé sur la tablette près de lui. A ce moment là, une porte au fond de la pièce s’ouvrit et plusieurs médecins s’approchèrent du premier corps pour en déposer un deuxième, semblable en tous points. Dalwan reposa aussitôt son café et s’approcha de la nouvelle victime. Il jeta un coup d’œil rapide au bracelet d’hospitalisation que portait celle-ci et ce fut sans surprise qu’il lut le nom de Marie Withman. La fille qui avait été retrouvée agonisante à côté de sa sœur déjà morte, qu’on avait tenté de sauver, en vain. Le légiste ouvrit la housse protégeant le corps. Dalwan dut réprimer un haut-le-cœur quand il aperçut que la jeune femme avait également été tailladée. Cette fois, la menace était claire.
« LA MORT N’EST PLUS UNE OPTION »
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Dans la salle d’attente, Williamson tentait tant bien que mal de réconforter sa cliente. Il n’avait pas de temps à perdre. Les informations qu’il détenait pouvaient s’avérer cruciales pour la poursuite de l’enquête. Il entendit des bruits de pas se rapprocher et sentit une main se poser sur son épaule. Dalwan l’aida lui et sa cliente à se relever et emmena la jeune femme s’assoir sur une chaise. L’avocat jeta un regard haineux à l’inspecteur de police. La bonne entente n’avait jamais été de mise entre les deux hommes. Ils firent pourtant comme si de rien était et échangèrent toutes les informations qu’ils possédaient. Tandis que Williamson observait les photos prises lors de l’autopsie des deux corps, Dalwan scrutait avec attention tous les détails que pouvaient lui livrer le dossier.
Les minutes s’écoulaient et Dalwan s’éparpillait de plus en plus dans les photos anciennes, et les testaments des ancêtres des deux victimes. Quand il atteignit la dernière ligne du dossier, il se releva d’un coup, arracha des mains de l’avocat les photographies et compara les deux clichés. Pas de doute, les deux pendentifs étaient semblables. Un policier en avait retrouvé un équivalent sur la scène de crime, qui avait été détruit, l’agent supposant qu’il s’agissait là d’un bibelot perdu sans importance.
Il leva des yeux soupçonneux vers l’autre homme qui acquiesça d’un air sec. Son regard se détourna vers la jeune femme et à nouveau, l’avocat hocha la tête, presque imperceptiblement.
Alors, sortant déjà son téléphone portable de sa poche, l’inspecteur s’approcha de la dernière des sœurs Withman et l’informa qu’elle allait être intégrée dans le système de protection des témoins immédiatement.
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Elle courait aussi vite qu’elle le pouvait à travers bois, tentant de s’éloigner le plus possible de la scène de crime. Elle serrait dans sa main un petit pendentif d’époque, signe distinctif de son appartenance à la Confrérie. Il était impossible que Dalwan se doute de quelque chose, se serinait-elle depuis de longues minutes.
« Fournissez-moi toutes les informations que vous pourrez trouver sur Lise et John Withman »
Il ne pouvait pas savoir, pas se douter un instant que…
Et que diraient-ils lorsqu’ils sauraient ? Elle ne donnait plus bien cher de sa peau.
« Fournissez-moi toutes les informations que vous pourrez trouver sur Lise et John Withman »
Elle en avait des centaines mais ne pouvait en divulguer aucune. Que faire maintenant ? S’enfuir, jouer la comédie ? La Confrérie la retrouverait, quoi qu’il advienne. Elle se sentait épiée depuis qu’elle était partie. Et dans un élan de désespoir intense, elle se saisit de son arme, tira à plusieurs reprises devant elle, tenant d’atteindre des cibles invisibles. Il n’était décidément pas bon d’éliminer les preuves de la faiblesse des autres.
Un jour, Ralphaez a écrit :C'est la barbe, ça vieillit, ma copine a ce problème.
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